Angleterre : la FA exclut les femmes transgenres du football féminin

Angleterre : la FA exclut les femmes transgenres du football féminin

Angleterre : la FA exclut les femmes transgenres du football féminin

Le 1ᵉʳ juin 2025, la Fédération anglaise de football (FA) appliquera une nouvelle règle : les femmes transgenres ne seront plus autorisées à participer aux compétitions féminines officielles. Cette mesure, motivée selon la FA par des considérations « d’équité et de sécurité », intervient dans un contexte juridique et social tendu. Elle relance un débat majeur dans le sport mondial, entre droits des minorités et justice sportive.

Une décision provoquée par un cadre légal renouvelé

La FA s’est appuyée sur un jugement rendu par la Cour suprême britannique le 16 avril 2025. Selon cet arrêt, interprétant la loi sur l’égalité de 2010, le mot « femme » dans le cadre sportif doit être entendu dans son sens biologique, et non en fonction de l’identité de genre. Cela signifie que toute personne née de sexe masculin ne peut être considérée légalement comme femme dans des disciplines organisées sur critères sexués, sauf exception très encadrée.

Ce jugement a été cité dans le communiqué officiel de la FA. L’institution souligne avoir mené des consultations avec des experts médicaux, des juristes spécialisés en droit du sport et des associations de joueuses professionnelles. Elle conclut que l’interdiction est « conforme à la loi en vigueur et vise à protéger la sécurité physique et l’équité compétitive ». Jusqu’ici, la FA permettait aux femmes transgenres de jouer dans les catégories féminines à condition de maintenir leur taux de testostérone en-dessous de 5 nmol/L pendant 12 mois.

Un débat ancien mais relancé à grande échelle

Cette mesure fait suite à d’autres décisions similaires prises ces dernières années. En 2022, la FINA (fédération internationale de natation) avait interdit la participation des femmes transgenres aux compétitions féminines internationales, sauf si la transition hormonale avait eu lieu avant la puberté. En 2023, la Fédération internationale d’athlétisme (World Athletics) a adopté des règles comparables.

Le football, discipline mixte à la base mais séparée en catégories genrées dès le haut niveau, est donc rattrapé par ces logiques. La Fédération écossaise a suivi l’exemple anglais quelques jours après l’annonce de la FA. En France, la FFF a pour l’instant confirmé le maintien d’une approche au cas par cas, sans restriction de principe, mais surveille de près les jurisprudences européennes en cours.

Réactions contrastées dans le monde sportif

Les réactions à cette mesure sont profondément divisées. Certaines joueuses professionnelles, interrogées par la BBC et par le *Guardian*, ont exprimé leur soutien à la FA. L’une d’elles, sous anonymat, déclare : « Je ne veux pas que l’on prenne de risques avec nos corps. Le football est un sport de contact. On parle d’intégrité physique. » D’autres, à l’inverse, dénoncent une décision brutale et rétrograde. Emily Bridges, cycliste et joueuse de football transgenre britannique, a écrit dans une tribune publiée dans le *Telegraph* : « Ce n’est pas une règle pour l’équité. C’est une exclusion déguisée. On me renvoie dans un espace où je n’ai plus ma place. »

Les associations LGBTQ+ britanniques, comme Stonewall UK et Mermaids, se sont opposées à cette mesure. Elles estiment que la règle contrevient à l’esprit de la loi sur l’égalité et risque d’alimenter les discours transphobes. L’ONG Human Rights Watch a également pointé la « précipitation et l’unilatéralité » de la décision, sans concertation suffisante avec les premières concernées.

Une controverse éthique et scientifique

La question de la participation des femmes transgenres au sport féminin divise aussi la communauté scientifique. Certains experts en biomécanique ou en endocrinologie estiment qu’une transition hormonale complète, accompagnée d’un traitement prolongé, peut neutraliser de nombreux avantages physiologiques initiaux. Mais d’autres soutiennent qu’il subsiste des différences significatives, notamment au niveau de la densité osseuse, de la taille, et de la mémoire musculaire.

La FA indique s’être appuyée sur une étude de 2024 publiée dans *British Journal of Sports Medicine*, concluant que même après 24 mois de traitement hormonal, certaines performances physiques restent supérieures à celles de la moyenne féminine cisgenre, notamment sur les tests de vitesse ou d’endurance maximale. Toutefois, cette étude a aussi souligné le besoin de plus de recherches et de données comparatives sur de vrais matchs en condition réelle.

Un impact psychologique et social lourd

Pour les femmes transgenres pratiquant le football en Angleterre, cette décision est une forme de désancrage brutal. Plusieurs témoignages publiés dans *The Times* évoquent la perte d’un collectif, l’exclusion des vestiaires, l’arrêt soudain d’une routine sportive qui jouait un rôle crucial dans la construction de soi. L'association Football v Homophobia (FVH) rappelle que le football n’est pas qu’une question de performance, mais aussi d’intégration et de santé mentale.

La FA affirme vouloir offrir à ces joueuses des solutions alternatives : équipes mixtes en loisirs, formation à l’arbitrage, ou encadrement technique. Mais ces propositions restent floues et perçues comme insuffisantes. Pour certaines concernées, le sentiment dominant est celui d’un rejet silencieux, justifié par des « principes d’équité » qui masquent une crainte mal formulée.

Un tournant politique et juridique

L’affaire a aussi pris un tour politique. Des membres du Parlement britannique ont interpellé le ministère des Sports pour connaître la position du gouvernement sur la participation des personnes trans aux compétitions sportives. Pour l’instant, Downing Street soutient l’autonomie des fédérations, mais encourage une harmonisation des règles à l’échelle du Royaume-Uni.

Au niveau européen, certaines organisations comme l’UEFA ou l’EHF (handball) hésitent à trancher, craignant une fronde interne ou des conflits juridiques avec les législations nationales. Quant à la FIFA, elle a lancé une consultation mondiale, mais n’a pas encore adopté de ligne claire. Son président a simplement déclaré que « l’inclusion ne doit jamais se faire au détriment de la sécurité ou de l’intégrité sportive ».

Conclusion : une ligne de fracture mondiale ?

La décision de la FA pourrait faire école et déclencher une vague de changements similaires en Europe. Mais elle risque aussi d’approfondir les fractures sociales autour de la place des personnes transgenres dans le sport. La question n’est plus seulement technique ou médicale : elle devient politique, symbolique, et même culturelle.

Pour une partie du monde du football, protéger l’équité revient à fixer des règles strictes sur les catégories genrées. Pour une autre, cela revient à exclure des personnes qui luttent déjà pour être reconnues. Entre justice sportive et justice sociale, le football doit désormais trouver un équilibre qui respectera les deux. La décision anglaise ouvre un nouveau chapitre. Reste à savoir comment les autres fédérations et les institutions européennes réagiront.

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